Ma vie de maman solo : “une décision qui doit être mûrement réfléchie”

Élodie Laloum est maman de Ness, née en 2011. Après avoir envisagé l’adoption, elle décide de faire une PMA seule, en Belgique. Dans un témoignage touchant, elle raconte son parcours, son quotidien de maman solo, les obstacles auxquels elle a dû faire face dès la naissance de sa fille, ses craintes, mais surtout son bonheur d’être devenue mère.

En 2011, Élodie Laloum est devenue maman d’une petite fille, Ness, après un parcours d’assistance médicale à la procréation, avec une insémination artificielle avec don de sperme anonyme (IAD), en solo. Elle raconte son cheminement dans la bande dessinée Ma vie de maman solo (éditions Dunod Graphic), avec des tranches de vie. La joie quand l’insémination fonctionne, la colère face au représentant de l’état civil qui refuse d’enregistrer la naissance de Ness parce qu’il n’est pas possible qu’elle n’ait pas de papa, l’incompréhension face à ceux qui pensent qu’un enfant élevé par un seul parent a forcément un moins bon équilibre… La bande dessinée nous fait passer par toutes les émotions. Et c’est cela qui en fait un récit captivant, qu’on soit concerné soit-même par la PMA en solo (ou la PMA tout court) et la vie de maman célibataire, ou non. Pour Le Journal des Femmes, Elodie Laloum livre son témoignage.

“J’ai d’abord envisagé l’adoption, mais j’ai été confrontée à une nouvelle à laquelle je ne m’attendais pas du tout”

Après être tombée enceinte sous pilule, j’ai vécu deux interruptions volontaires de grossesse. A chaque fois, mes partenaires ne voulaient pas d’enfants, donc il avait fallu arrêter la grossesse. Mais, de mon côté, j’avais un désir d’enfant qui était très important, et qui devenait de plus en plus fort. Alors j’ai décidé que, en tant que célibataire, j’allais adopter. Une fois que j’avais presque terminé le processus très long pour obtenir l’agrément, j’ai été confrontée à une nouvelle à laquelle je ne m’attendais pas du tout. On m’a dit que les femmes célibataires passaient après les couples hétérosexuels et homosexuels, et que l’enfant qu’on allait ensuite me proposer d’adopter aurait minimum 7 ans, qu’il pourrait avoir un handicap physique et/ou mental.

“On m’a dit que les femmes célibataires passaient après les couples hétérosexuels et homosexuels, et que l’enfant qu’on allait ensuite me proposer d’adopter aurait minimum 7 ans, qu’il pourrait avoir un handicap physique et/ou mental”.

Quand on m’a demandé si j’étais toujours prête à aller jusqu’au bout, j’ai dit non. L’adoption est déjà difficile quand on a un tout-petit qui n’est pas en situation de handicap. Même dans ces conditions, il n’est pas dit que sa vie soit équilibrée et que la parentalité se déroule bien, alors je ne me suis pas sentie capable d’adopter un enfant de 7 ans, avec un passif déjà lourd, et qui était porteur d’un handicap.

Comment j’ai décidé de faire une PMA seule en Belgique

Le questionnement sur la PMA est venu suite au deuil de l’adoption. Quand j’ai compris que je n’allais pas adopter, deux amies homosexuelles américaines qui vivaient à Paris m’ont dit qu’elles allaient faire un enfant elles-mêmes, en commandant du sperme sur le site d’une banque de sperme au Danemark. Elles m’ont ouvert le champ des possibles. Mais moi, je voulais un suivi médical. Je ne voulais pas non plus faire un enfant dans le dos d’un amant de passage. Donc, j’ai commencé à me renseigner sur l’insémination artificielle, une pratique courante en Espagne et Belgique pour les femmes célibataires. Beaucoup de Françaises allaient dans ces pays car suivre une PMA en tant que célibataire ou couple de femmes était alors illégal en France.  

J’ai opté pour la Belgique. J’étais déjà cheffe de ma propre entreprise, je savais que je n’allais pas pouvoir sauter dans un avion aussi facilement que dans un train. On ne sait qu’au dernier moment quand l’insémination peut se faire, en fonction de nombreuses analyses médicales. Prendre le train pour aller à Bruges paraissait plus facile et plus rapide. Et, en Belgique, il faut compter 1500 euros pour cinq paillettes de sperme, contre 5000 en Espagne.

“C’est hyper violent de donner la vie en étant toute seule”

Les six premiers mois de ma grossesse se sont très bien passés. J’étais au top de ma vie. Après, avec les 30 kg que j’avais pris, j’avais mal au dos, mal partout d’ailleurs. Et là, je me sentais seule. Cela n’a pas été facile de gérer les questions qu’on se pose lorsqu’on est en train de changer de statut. Contrairement aux hommes, les femmes deviennent mères pendant la grossesse, c’est physique. A partir du cinquième mois, je réalisais que ma décision était irréversible, que je ne pourrais jamais revenir en arrière. Je sentais que ma nouvelle vie allait être géniale, mais il fallait que je fasse le deuil de ma vie d’avant.

Toutes ces questions, il fallait les affronter seule, et parfois, c’était extrêmement effrayant, personne n’était à mes côtés pour me rassurer. Pour l’accouchement, j’étais accompagnée de ma mère, mais ce fut difficile. C’est hyper violent de donner la vie en étant toute seule. N’empêche, j’ai fait comme toutes les femmes depuis la nuit des temps, et j’ai poussé. Le 27 novembre 2011, Ness est née.

Être une mère seule avec un nouveau-né, c’est compliqué

Ce que je dis aux femmes qui veulent avoir un enfant seules, c’est que, après la naissance, il faut de l’aide. Parce qu’en fait, on ne dort jamais. Donc on devient folle. On est au service de son bébé et, quand il dort, il faut gérer tout le reste : les courses, la lessive, le ménage… Cette période a été très difficile pour moi, car en plus, j’ai dû mettre fin à mon congé maternité au bout de trois semaines, la personne que j’avais formée pour me remplacer s’étant enfuie.

Ça a été un enfer, j’ai fait une grosse dépression post-partum. Je pense que, l’idéal, c’est d’être accompagnée quand on ne peut pas avoir un vrai congé maternité. Que cela soit par des proches ou un employé si on en a les moyens. En plus, j’étais une maman louve, même quand elle a eu une assistante maternelle, elle n’y allait que quatre heures à la fois et trois ou quatre jours par semaine, parce que je ne voulais pas lâcher mon bébé.

“J’ai dû mettre fin à mon congé maternité au bout de trois semaines. J’ai fait une grosse dépression post-partum”.

A l’école, “la charge mentale mille fois plus importante”

Quand Ness a été en âge d’aller à l’école, la séparation fut beaucoup plus facile. On a l’esprit un peu plus libre, au moins lorsque l’enfant est à l’école. Après, je restais une maman solo donc, à la différence de tous les autres parents, il n’y avait pas de deuxième personne en cas d’urgence. La charge mentale est mille fois plus importante. Heureusement, avec d’autres parents d’élèves on a pu se soutenir : quand l’un de nous avait du retard ou un empêchement, on se relayait. Le réseau d’amis parents d’élèves est un système de soutien incroyable !

Devenir maman toute seule, une décision qui doit être mûrement réfléchie

Aux femmes qui se lancent dans le même parcours ou qui envisagent de le faire, je recommande de prendre un grand temps de réflexion, de soupeser absolument tout : l’aspect financier, intellectuel, spirituel… Le cadre familial aussi. Il faut que l’entourage soit là, pas forcément en permanence, mais comme il n’y a pas de second parent, c’est encore plus compliqué s’il n’y a pas de grands-parents, d’oncles et tantes, de cousines, etc.

“Il y a un aspect auquel je n’avais pas pensé, alors que j’ai réfléchi pendant deux ans, c’est la mort.”

De mon côté, il y a un aspect auquel je n’avais pas pensé, alors que j’ai réfléchi pendant deux ans, c’est la mort. Lorsque j’ai appris il y a quelques années, que j’avais une tumeur au cerveau, ce n’était pas prévu dans mon plan. Ma peur, ce n’était pas de mourir, mais de laisser ma fille, et je pense que ça a été une grande peur pour elle aussi. Il faut donc avoir une vraie réflexion, parce que c’est un parcours extrêmement difficile, irréversible et que vous ne partagez pas cet amour avec quelqu’un d’autre.

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Ma vie de maman solo © Editions Dunod Graphic

Cette situation crée une relation ultra fusionnelle. Toutes les femmes ont une relation particulière avec leur mère et, quand on est maman solo, c’est décuplé ! Il faut aussi savoir qu’il y a une vraie pression. Par exemple, je n’ai pas le droit d’être malade. Et si je le suis, je dois continuer à jouer mon rôle de mère. Ça peut également faire peser une pression sur l’enfant, il sent qu’il ne faut pas être malade en même temps que Maman, où qu’il faut la laisser tranquille de temps en temps. Introduire une autre personne dans la vie de l’enfant peut être positif et, c’est vrai que, si c’était à refaire, j’aurais aimé qu’elle ait quelqu’un d’autre. Mais on est très bien comme ça toutes les deux !

Ness, “trop contente” de voir son histoire racontée en BD

Ness sait absolument tout de ce parcours de PMA et de sa conception. Mais elle est surtout fière d’avoir une bande dessinée qui raconte son histoire et celle de sa maman. “Je suis trop fière. Je vois l’affiche à la librairie à côté de chez nous. Quand j’en parle à mes copines, elles trouvent ça ouf. Au début, quand j’étais petite, Maman voulait écrire un livre mais, comme elle ne savait pas si j’étais d’accord, elle a préféré attendre. Maintenant je suis trop contente !”, nous a-t-elle répondu de sa petite voix enthousiaste.

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